Le
quartier Montorgueil est situé dans Paris Centre, au sein du IIe
arrondissement de Paris. La piétonnisation a été
réalisée au début
des années 1990, comprenant un secteur délimité par
les rues d’Aboukir, Réaumur, Saint-Denis et Étienne
Marcel. L’objectif de la création
de ce quartier piétonnier visait, avant la réduction quasi
totale de la circulation automobile, à retrouver une fonction résidentielle
et un cadre
de vie de meilleure qualité. Il est apparu intéressant de
dresser un bilan des effets observés depuis 30 ans dans ce quartier,
d'identifier,
analyser et évaluer les évolutions, et d'esquisser un panel
d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant d’évaluer
et
de suivre les impacts liés à la limitation de la place de
la voiture dans l’espace public.
L’amélioration
de la qualité de l’air et du bruit
Les
données permettant une analyse historique avant/après
de la qualité de l’air et de l’environnement
sonore du quartier n’existent pas car les entités
d’observation de ces éléments ont été
créées après la piétonnisation du
quartier Montorgueil. Toutefois, les experts sollicités
pour cette étude auprès d’Airparif et Bruitparif
et les mesures actuelles permettent de dire que :
-
La qualité de l’air du quartier étant directement
liée au trafic routier des voies le traversant, la piétonnisation
a nécessairement eu un impact positif sur la qualité
de l’air respiré par les habitants. Mais il n’est
pas possible de quantifier cet impact. En outre, le quartier
subit, comme l’ensemble du centre de la capitale, la pollution
dite de fond liée aux autres sources de pollution.
-
La piétonnisation d’un secteur permet de supprimer
les nuisances sonores liées au trafic routier. Toutefois,
elle n’exclut pas d’autres sources de nuisances
qui peuvent être liées aux activités présentes
et à la vie du quartier lui-même.
Pollution
de l’air – Boulevard périphérique
©
Ph. Guignard@air-images.net
L’amélioration
de la qualité de l’air
Le
trafic routier constitue une source particulièrement importante
d’émissions de polluants atmosphériques, notamment
d’oxydes d’azote. À Paris, il est responsable
de plus de la moitié (56 %) des émissions d’oxydes
d’azote de la capitale. Les niveaux de pollution respirée
décroissent rapidement en s’éloignant des
sources de polluants, comme les axes routiers au droit desquels
les niveaux sont les plus élevés, et ce d’autant
plus que le trafic est important. Il existe une corrélation
directe entre le trafic routier - au regard du volume et des conditions
de circulation - et la qualité de l’air respiré
par les riverains situés à proximité des
axes routiers. La piétonnisation d’un secteur peut
donc engendrer une amélioration importante en termes de
qualité de l’air, à la fois au plus près
de l’axe routier exempt de trafic, et plus globalement dans
le quartier, en fonction de l’importance des axes piétonnisés
et de l’étendue du domaine piétonnier. Il
est également important, dans le cadre d’une mise
en œuvre d’une zone piétonne, de considérer
le report potentiel de trafic routier, pouvant entraîner
des niveaux de pollution plus élevés au-delà
de la zone piétonne.
Sources
: Mairie de Paris / Bruitparif
Il
est difficile d’évaluer l’impact sur l’air
de la piétonnisation du quartier Montorgueil, la qualité
de l’air dans le secteur avant la piétonnisation
n’étant pas connue précisément. Aucune
mesure spécifique n’a été réalisée
avant et après la mise en œuvre de la piétonnisation
afin d’en étudier l’influence au moment de
sa mise en œuvre. La situation antérieure n’est
pas recalculable précisément par manque notamment
d’information concernant le trafic routier au sein du quartier
à l’époque. Néanmoins, Airparif, l’association
chargée de la surveillance de la qualité de l’air
en Île-de-France, considère que les niveaux de pollution
- au dioxyde d’azote et aux particules PM10 et PM2,5 - d’un
quartier non circulé comme Montorgueil, atteignent en son
cœur des valeurs de pollution dites de fond, soit
des teneurs non influencées directement par les émissions
du trafic routier.
La
diminution du bruit routier
En
milieu urbain dense, le trafic routier constitue une source de
nuisance sonore particulièrement importante. Ainsi, la
piétonnisation d’un secteur engendre un gain très
important en termes de réduction des nuisances sonores
liées au trafic.
S’il
est difficile de connaître précisément les
gains en termes de nuisance sonore, les données ne remontant
pas jusqu’au début des années 1990, on peut
tout de même observer la carte des niveaux sonores de 2017,
représentant l’indicateur du bruit routier Lden sur
une journée complète : jour, soirée, nuit.
On
observe alors que le cœur du secteur de Montorgueil est préservé
des nuisances sonores liées au trafic routier, bénéficiant
d’un niveau sonore globalement faible, inférieur
à 55 dB(A).
Les
niveaux sonores des axes circulés proches, comme la rue
Réaumur, le boulevard de Sébastopol, la rue Étienne
Marcel ou la rue du Louvre par exemple, atteignant des valeurs
limites, dépassant parfois les 75 dB(A). De même,
il convient de noter que les rues adjacentes aux rues circulées
ont des niveaux sonores variant entre 55 et 65 dB(A).
La
piétonnisation d’un quartier entraîne une diminution
très significative des nuisances sonores liées au
trafic routier. Afin de mener une étude complète
sur les nuisances sonores du secteur Montorgueil, il conviendrait
également de s’intéresser aux nuisances sonores
liées à la vie de quartier, souvent liées
à la présence de bars et de restaurants, qui peut
jouer également sur le calme du territoire, avec la nécessité
de considérer que la situation préexistait, et n’est
pas toujours directement liée à la piétonnisation. |
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L’évolution
de la démographie du quartier de 1982 à 2021 |
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En
1989, le quartier est populaire, à dominante résidentielle,
composé de petits logements, habités majoritairement
par des familles modestes.
Les
immeubles sont souvent dégradés. 75 % des logements
- contre 15 % en moyenne à Paris - sont soumis à
la loi de 1948, et 65 % d’entre eux sont dans un état
médiocre ou très médiocre.
Quartier
de Montorgueil : évolution de la population et de la structure
du parc de logements
Source : Insee, recensements
Entre
1975 et 1982, le IIe arrondissement a perdu 23 % de sa population,
contre une perte de 5 % en moyenne à Paris.
Entre
1982 et 1999, le quartier de Montorgueil a perdu près de
1 000 habitants, soit (-1 %/an). Cette diminution n’est
pas propre au quartier, la population a également diminué
au cours de cette période dans le secteur Paris Centre
et à Paris. Cette tendance est liée aux changements
de modes de vie qui s’opèrent durant la deuxième
moitié du XXe siècle : recherche de confort, décohabitations,
séparations plus fréquentes et plus nombreuses.
Au
début des années 2000, cette baisse prend fin, et
s’accompagne alors d’une augmentation du nombre d’habitants.
Le quartier gagne 2 160 habitants (+0,8 % /an) entre 1999 et 2007.
La croissance démographique est alors 4 fois plus rapide
que sur l’ensemble des 4 arrondissements centraux (+0,2
%/an).
De
2012 à 2017, la population se stabilise autour de 5 700
habitants, puis baisse de nouveau pour atteindre 5 138 personnes
en 2017.
La
hausse de population dont a bénéficié le
quartier entre 1999 et 2007 s’explique par une hausse du
nombre de logements - +124 sur la période -, mais aussi
par une baisse du nombre et du taux de logements inoccupés,
regroupant les résidences secondaires, les logements occasionnels
et les logements vacants. En effet, la part des logements inoccupés
est passée de 25 % en 1999 à 21 % en 2007.
En
revanche, entre 2012 et 2017, le nombre total de logements est
resté stable alors que le nombre de logements inoccupés
a fortement progressé, notamment en lien avec la hausse
des logements consacrés à plein temps à la
location meublée touristique. En 2017, plus d’un
tiers (34 %) des logements du quartier est inoccupé, cette
part a bondi de 10 points en cinq ans. En comparaison, la part
de logements inoccupés a augmenté de 5 points à
Paris Centre et de 2 points sur l’ensemble de la capitale.
Évolution
de la population entre 1982 et 2017 Source
: Insee, recensements |
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L’évolution
du contexte économique et des commerces entre 2000 et 2020 |
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Apur - Vincent Nouailhat
Source
: Apur, BDCom 2020
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En
1989, le quartier à dominante résidentielle a progressivement
été grignoté par les activités
de confection qui débordent du quartier du Sentier.
En
2020, les activités de restauration et cafés sont
particulièrement représentées dans le quartier
et le taux de vacance plus faible que la moyenne du cœur
parisien.
Ces
20 dernières années, le nombre de commerces a connu
une forte croissance, et leur typologie a évolué
: 50 bars et restaurant ont vu le jour tandis que les activités
de commerces de gros de textile ou d’habillement ont fortement
reculé. |
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Sources
: Bdcom - 2020
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locaux
en pied d’immeubles
dans le périmètre
du quartier Montorgueil
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établissements
commerciaux
en 20 ans |
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Pour
l’analyse des commerces et de ses évolutions, le
périmètre Montorgueil comprend les locaux en rez-de-chaussée
des rues Léopold Bellan/Saint-Sauveur, Bachaumont, Greneta,
Mandar, Tiquetonne, Saint-Denis - entre la rue de Turbigo et la
rue Réaumur -, Montorgueil - entre la rue Étienne
Marcel et la rue Léopold Bellan -, des Petits Carreaux
- entre la rue Léopold Bellan et la rue Réaumur
- et Montmartre : entre la rue Étienne Marcel et la rue
d’Aboukir. Ce périmètre ne comprend pas les
commerces donnant sur les rues Réaumur/allée Pierre-Lazareff,
de Turbigo, Étienne Marcel et du Louvre.
Une
structure commerciale proche de celle de Paris Centre et de Paris,
exceptée pour les cafés et restaurants, plus nombreux
en proportion
En
octobre 2020, on dénombrait 549 locaux en pied d’immeuble
dans le périmètre du quartier Montorgueil, dont
422 étaient des commerces et services commerciaux (77 %),
61 locaux vacants et 66 autres locaux : commerces de gros, bureaux
en boutique…
La
structure commerciale du quartier Montorgueil se démarque
de celle de Paris Centre et de Paris sur un point particulier
: on y observe un plus grand nombre, en proportion, de cafés
et de restaurants. Ils représentent presque 30 % des locaux
contre 19 % à Paris-Centre et 18 % à Paris. On note,
en particulier, un nombre plus important de restaurants de cuisine
traditionnelle française et de spécialités
européennes - 42 restaurants -, de restauration rapide
assise - 24 établissements - et de bars et cafés
: 29 établissements. La proportion des autres types de
locaux et de commerces du quartier Montorgueil est, en revanche,
assez proche du celle du centre de Paris et de l’ensemble
de la capitale.
Le
taux de vacance du quartier Montorgueil est de 11,1 %, plus bas
que celui de Paris Centre (13,5 %), mais un peu plus élevé
que celui de Paris (10,5 %). Lors de l’enquête, en
octobre 2020, on dénombrait 61 locaux vacants, dont 9 étaient
en travaux.
Évolutions
commerciales 2000-2020 dans le quartier Montorgueuil, Paris Centre
et Paris
La
proportion de magasins appartenant à un réseau d’enseigne
est de 19 % : 79 établissements. Cette part est plus faible
qu’à Paris Centre (26 %) et qu’à Paris
(23 %).
Structure
commerciale du quartier Montorgueil, Paris Centre et Paris
Depuis
20 ans, une forte augmentation du nombre de commerces
Depuis
20 ans, on constate une forte augmentation du nombre de commerces
dans le quartier Montorgueil : +70 établissements, soit
+20 %.
Cette hausse est due principalement à l’installation
de 50 bars et restaurants supplémentaires, et à
la création de services liés aux soins du corps,
avec 14 instituts de beauté, ongleries, et 9 coiffeurs,
depuis l’an 2000. Cette hausse contraste surtout avec l’augmentation
plus modérée du nombre de commerces constatée
à Paris Centre (+6 %) et la diminution globale des commerces
à Paris : -3 % depuis 2000.
Avant
/ Après: La piétonnisation de la rue Montorgueil
a profondément transformé l’ambiance du quartier,
notamment de la rue Montorgueil, particulièrement commerçante.
Le
commerce alimentaire reste stable, avec un solde de 2 magasins
en moins depuis 2000, soit la disparition de 6 boucheries, 3 petites
épiceries, 2 primeurs et 1 boulangerie, mais l’apparition
de 4 magasins de vente de produits étrangers ou régionaux,
3 cavistes, 2 pâtissiers, 1 torréfacteur et 1 glacier.
Malgré l’arrivée de ces commerces alimentaires
de niche, la diversité reste importante en 2020
avec toujours 7 boulangeries, 3 petites épiceries, 2 primeurs,
2 boucheries, 1 poissonnerie…
À
rebours, on constate, depuis 20 ans, une diminution importante
des commerces liés aux loisirs et à la culture,
principalement due à la disparition de 17 sex-shops rue
Saint-Denis et à la perte de 2 disquaires, 2 magasins de
jeux/jouets et 2 magasins de vente de téléphones.
En revanche 2 magasins/réparateurs de vélos se sont
installés dans le quartier depuis 2017.
Il
ne reste plus que 19 commerces de gros de textile ou d’habillement
des 76 qui étaient présents il y a 20 ans. Certains
se sont transformés en commerce de détail (12) ou
en services ou agences - 18 dont 2 coiffeurs, 2 instituts de beauté,
2 agences immobilières… -, d’autres en cafés
ou restaurants (14). 8 restent vacants et 4 ont disparus.
Des
activités médicales, autrefois absentes des rez-de-chaussée
commerciaux, se sont établies dans le quartier depuis quelques
années, comme 3 cabinets médicaux ou dentaires,
2 centres de radiologie, 1 podologue et 1 kinésithérapeute.
Malgré
cette évolution positive sur l’accroissement du nombre
et de la diversité des commerces, la vacance des locaux
a augmenté de 14 unités depuis 20 ans et l’on
compte à présent 61 locaux vacants. Il faut noter
cependant que 9 d’entre eux étaient en travaux en
octobre 2020, laissant présager une reprise d’activité
proche. |
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Apur
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Millot Bernard - Ville de Paris |
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Apur - Vincent Nouailhat
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Apur - Vincent Nouailhat
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Conclusion |
L’objectif
poursuivi lors de la piétonnisation du quartier de Montorgueil
dans les années 1990 était la reconquête résidentielle
du quartier via l’amélioration qualitative du secteur
tout en maintenant des activités liées à
la vie du quartier. Si les indicateurs quantitatifs ne permettent
pas d’avoir une évaluation précise sur toutes
les thématiques, on peut toutefois appréhender certaines
évolutions cohérentes avec les objectifs poursuivis
:
-
L’espace public a évolué de façon
qualitative, tant sur le plan paysager, que sur son apaisement,
désencombrement et sur la place de la végétation
en ville. Les travaux menés ont également permis
un gain d’accessibilité aux
personnes à mobilité réduite.
-
La réduction du trafic routier a eu un impact positif
sur la qualité de l’air et la baisse des nuisances
sonores subies par les résidents - 5 132 - et les personnes
travaillant dans ce quartier : 6 570.
-
Le nombre de commerces dans le quartier a augmenté depuis
20 ans,
notamment en lien avec l’installation de bars et de restaurants.
Les commerces liés à la vie du quartier se sont
maintenus - stabilité du commerce alimentaire - et se
sont diversifiés avec l’arrivée de services
tels que les cabinets médicaux.
-
L’évolution démographique du quartier est
plus favorable que celle de Paris et des arrondissements centraux
dans les années suivant la refonte du quartier.
Toutefois,
l’attractivité touristique entre en concurrence avec
le résidentiel depuis une quinzaine d’années,
le nombre de logements vacants ayant repris sa croissance depuis
2007, et de façon plus marquée que pour l’ensemble
de la capitale. Ainsi, la piétonnisation a eu des effets
favorables pour la qualité de vie de ses résidents
et salariés du quartier.
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Apur |
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..Étude
Retour d'expérience du quartier Montorgueil
- Août
2021
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L'Atelier
parisien d'urbanisme (Apur), association régie
par la loi 1901, a été créé
le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris. Depuis le
1er février 2012, Dominique Alba, architecte,
en est la Directrice générale. L’Apur
a pour missions de documenter, analyser et développer
des stratégies prospectives concernant les évolutions
urbaines et sociétales à Paris et dans
la Métropole du Grand Paris.
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L’Atelier
a souhaité faire un retour d’expérience
sur le quartier Montorgueil, piétonnisé
dans les années 90. Ce quartier piéton unique
à Paris, habité par 5 132 habitants, accueille
aussi des activités économiques importantes
avec ses 6 570 emplois.
La création de la
zone piétonne a permis d’améliorer
le cadre de vie du quartier, grâce à la requalification
des espaces publics, plus généreux et végétalisés.
Les travaux de piétonnisation ont également
eu un impact bénéfique sur la qualité
de l’air et l’ambiance sonore du cœur
de quartier. L’analyse de la structure commerciale
du quartier atteste d’un dynamisme certain des établissements,
et d’une évolution de la typologie de commerces,
avec l’arrivée de cafés et restaurants
un peu plus nombreux, et l’installation de services
aux habitants. Ce
retour d’expérience d’une réalisation
unique à Paris permet de réfléchir
aux indicateurs à mobiliser pour évaluer
et vivre les grandes transformations à venir de
l’espace public.
Directrices
de la publication : Dominique Alba, Patricia Pelloux
- Étude réalisée par : Pauline
Chazal, Vincent Nouailhat - Sous la direction de
: Patricia Pelloux
Avec le concours de : Yann-Fanch Vauléon,
Sandra Roger, François Mohrt - Cartographie
et traitement statistique : Christine Delahaye
apur.org |
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